Une lutte locale pour la préservation des tortues marines en voie d'extinction. Rencontre avec Eddy Wayan, un balinais au grand cœur qui se bat pour les tortues marines depuis plus…
Croisière d’îles en îles entre Lombok et Flores avec Kencana
On l’avoue, avant de poser les pieds à Bali notre connaissance géographique de l’Indonésie était honteusement inexistante. Mais cette ignorance fut vite ébranlée le jour où, les yeux rivés sur une carte, je réalise que les îles de Komodo se trouvent à seulement quelques sauts d’îles de Bali ! Dans mon imaginaire, bercé par les classeurs de L’univers fascinant des animaux, Komodo incarne le monde sauvage par excellence, Jurassic Park, dangereux et inaccessible, au même titre que Bornéo. Mais aujourd’hui, nous sommes tellement proches de ce lieu mythique… Nous décidons donc d’assouvir ce désir de découverte et de filer vers Flores où se trouve le Komodo National Park. Et quel meilleur moyen que de s’y rendre en bateau ?
Ce périple en dira beaucoup sur le fait que, parfois, le voyage est plus intéressant que la destination.
Au départ il y a Lombok
Nous quittons Gili Air avec un serrement au cœur. Difficile de dire adieu à ce petit paradis après y avoir passé 10 jours merveilleux d’initiation à la plongée. La traversée en bateau public jusqu’à Lombok est plutôt cocasse, nous arrivons à peine à entrer sur cette grande barque avec nos sacs surdimensionnés, observés par tous les passagers. Entre la fumée de cigarette et le caca de poule, nous rencontrons Julien et Stéphanie, sur la route depuis 6 mois. Ils participent à des projets associatifs dans tous les pays qu’ils visitent et racontent leurs expériences sur Colibris sans Frontières. Ils reviennent d’une mission de recyclage des déchets sur Gili Trawangan, pour les curieux allez y faire un tour. Nous nous dirigeons ensemble vers Senggigi et partageons une bonne soirée arrosée de Bintang. Aussitôt rencontrés, nos routes se séparent. Pendant quelques jours, Lombok nous dévoile quelques unes de ses facettes, ses rues bondées à Mataram, ses plages désertes à Kuta Lombok, ses innombrables mosquées colorées, ses routes vallonnées bordées de cocotiers, ses gamines aux sourires plus craquants les uns que les autres…
Et un matin, nous rebouclons les sacs et sautons dans le bus qui nous emmène au port à Labuan Lombok.
4 jours sur les eaux tumultueuses à bord de Kencana
Il nous a fallu quelques temps avant de se lancer dans cette aventure. Nous avions lu plusieurs retours d’expériences à propos des croisières vers Komodo et certaines donnent froid dans le dos. Les eaux dans cette région du monde peuvent être dangereuses et les bateaux ne sont pas à l’abri des intempéries. Mais si on ne tente pas, on ne saura jamais ! Tout peut arriver, même lorsqu’on est dans son petit cocon, alors nous décidons de nous laisser porter par l’inconnu…
Sous les sourires de Dan, notre guide pour cette expédition, nous embarquons. Le bateau possède un grand espace de vie à l’avant, une cale où nous entassons nos sacs, la cabine de pilotage du capitaine, un espace pour l’équipage, une cuisine à l’arrière munie de 2 immenses woks, une toilette à la turque qui donne direct dans la grande bleue et un étage avec des matelas. Pas de fioritures, pas d’intimité, pas de douche, ça nous botte bien ^^
L’équipage charge les provisions et démarre le moteur. C’est parti, nous quittons Labuan Lombok en observant le Mont Rinjani s’éloigner. Le ciel est azur, la mer clapote gentiment sur les flancs du bateau, la météo est au beau fixe, pas d’inquiétude ! On fait connaissance avec les 12 voyageurs à bord venus d’Allemagne, Hollande, Danemark, Angleterre, Indonésie et Pologne. En couple ou en solo, tout le monde a hâte de poser les yeux sur Komodo.
Snorkeling à Keramat Island
Il est déjà temps d’enfiler nos palmes et nos masques, nous faisons escale à Keramat Island, un îlot entouré de corail au large de Sumbawa. A peine la tête sous l’eau, je me retrouve nez à nez avec une rascasse à 2 mètres du bord, puis une holothurie-serpent ! Je peux me la péter avec mon savoir tout fraichement acquis des guides de la faune sous marine feuilletés à Gili Air. On barbote comme des poissons dans l’eau. Le soleil se couche lorsque nous remontons à bord, couverts de sel. Un dîner à même le sol nous est servi sur un grand tapis. Légumes frais, nouilles sautées, ananas. C’est vraiment bon, les chefs nous régaleront tout au long du trip !
La première nuit, les choses se gâtent. Il fait noir complet lorsque le bateau pose l’encre pour quelques heures. Afin de se repérer, tout se joue à la lueur d’une lampe torche à l’avant du bateau ! On réalise que le navire ne possède pas vraiment la technologie de base, pas de radar, pas de gps, pas de radio. Mais pas de panique, l’équipage gère, ils connaissent la mer et ont l’expérience de la navigation ! On se met au lit tranquillement en s’accoutumant aux mouvements du bateau qui tangue. Là où nous sommes, à l’étage, les sensations sont cependant plus fortes. En pleine nuit, le bateau redémarre, le bruit du moteur nous martèle les oreilles pendant que les vibrations nous secouent de partout. Les vagues semblent soudain prendre de l’ampleur. Je me réveille en sursaut toutes les trente secondes, ballotée de droite et de gauche. Le bateau tangue tellement que j’ai l’impression qu’il va chavirer. Les yeux écarquillés, blottie dans mon sac en soie, rigide, je repense à ces retours d’expériences qui faisaient froid dans le dos. J’ai un peu peur là…
Sous les cascades à Moyo Island
Au petit matin, le calme règne. Comme si rien ne s’était passé. La nuit très inconfortable nous apparaît comme un rêve lointain devant la sérénité du paysage qui nous accueille au réveil. Bienvenue à Moyo Island. On entend la forêt murmurer des sons d’oiseaux qui nous rappellent l’Australie. Il y a de minuscules méduses bleu fluorescentes dans l’eau, comme des paillettes qui seraient la preuve que la mer a fait la fête toute la nuit. Même pas peur, on saute pour rejoindre la plage et s’enfonce dans la forêt.
Un petit ruisseau d’eau douce qui sinue jusqu’au sable ne demande qu’à être remonté. Au bout du chemin, une cascade se jette dans des bassins naturels aux couleurs vertes. C’est le luxe de se rincer à l’eau douce, même si on va devoir retourner dans l’eau salée pour remonter sur le bateau ! Nous explorons l’endroit jusqu’à ce qu’un autre groupe se joigne à nous. Ils sont bien plus nombreux, on est bien tombés avec notre petit groupe de 12. Pour prendre un peu d’avance sur eux, nous retournons au bateau et quittons Moyo Island, direction un volcan inondé !
Au cœur d’un lac salé à Satonda Island
Vu du ciel, ce petit coin doit être sacrément beau : un anneau de verdure entouré d’une mer aux milles teintes de bleu. A hauteur d’homme, c’est tout de même très joli :) Satonda Island renferme un lac salé dans son cratère. Il y a 200 ans, la puissante éruption du Tambora, situé sur Sumbawa, a provoqué un tsunami créant des vagues si grandes qu’elles auraient rempli le lac de Satonda d’eau salée. Du coup, on y fait les étoiles de mer à la surface pour tester notre flottabilité ! Imagine nous, là, dans une eau à température tropicale en train de papoter avec le Polonais de son expérience avec les orques en Norvège. Gros décalage !
Côté mer, la vie aquatique est très belle malgré les quelques déchets flottants que nous tentons de ramasser. Une grosse seiche vient à notre rencontre, on apprendra plus tard que ces créatures ont la particularité d’avoir le sang bleu, qu’elles possèdent trois cœurs et qu’elles changent de couleur à une vitesse inégalée.
Nous quittons Satonda Island et ses fonds marins et reprenons le cap pour un trajet interminable, un coucher de soleil fabuleux comme on n’en voit que sur les océans, du plancton phosphorescent dans les vagues du bateau, un ciel étoilé brillant de mille feux et une longue nuit bercée par le vrombissement du moteur. On commence à savourer la vie sur l’eau.
Panorama sur Komodo à Gili Laba
Au réveil de cette deuxième nuit à bord, c’est un peu comme le matin de Noël. Je descends sur le ponton et découvre que nous approchons des côtes de l’île Komodo, la plus grande île du fameux parc national ! Le relief est abrupte, les collines asséchées plongent dans des eaux turquoises à tomber par terre.
Avant de découvrir ce lieu mythique et ses reptiles endémiques, nous faisons une escale sur l’île de Gili Laba en face de Komodo pour une courte mais intense randonnée. Ça grimpe sec ! On est à bout de souffle lorsqu’on atteint le sommet, mais quel spectacle ! Notre bateau est minuscule vu d’ici. Forcément, les clics des appareils photo se succèdent, chaque recoin de paysage appelle le regard. Le panorama sur les îles environnantes est juste étourdissant de beauté. Le corail se dessine dans les eaux turquoises, le décor est hypnotisant même sans filtre polarisant :) Et puis, on s’arrête de mitrailler, il est temps d’observer maintenant. Nous pouvons enfin se débarrasser du Komodo de notre imaginaire et le remplacer par de vraies impressions. Je ne m’attendais pas à ce que la végétation soit si aride dans cette partie du globe, mais cela donne au décor un aspect hostile qui lui va comme un gant.
Les tortues marines de Pink Beach
Histoire de nous faire languir un peu plus avant d’aller voir les dragons de Komodo, nous sommes invités à faire une nouvelle escale sur une plage appelée Pink Beach à laquelle on accède une fois de plus à la nage en sautant du bateau. Le courant est plus fort qu’on ne l’imagine et nous ne regrettons pas d’avoir amené nos palmes. Une fois à l’abri de la baie, les fonds marins sont un régal pour les yeux ! Deux tortues imbriquées (hawksbill) peu farouches se laissent approcher à notre plus grand plaisir. L’une d’elle a une nageoire arrière manquante, probablement à cause d’une hélice de bateau ou d’une morsure de requin. Elles sont livrées à elles mêmes ici mais à Bali, nous avions rendu visite au petit centre de soins de Serangan qui fait un travail formidable pour remettre les tortues marines sur pieds, enfin sur nageoires… Nous prêtons nos palmes à nos acolytes pour qu’ils puissent en profiter sans se faire expulser au large. La vue depuis la plage est idyllique. Quand on regarde le sable de près il y a plein de minuscules grains de corail rouge, c’est ce qui donne à la plage sa teinte rosée.
Les courants marins dans le parc national de Komodo forment un joyeux bordel. La surface semble bouillonner par endroits lorsque plusieurs courants se rencontrent. On observe même des tourbillons qui nous font changer de cap en quelques secondes, c’est assez flippant. Nous aurions pu aller au spot des raies manta mais la lutte avec les courants n’a pas permis à l’équipage de nous y conduire…
Nous passons la troisième nuit ancré dans une baie calme devant un coucher de soleil en camaïeu orangé. Quelques chauves souris virevoltent aux dernières lueurs du jour. D’autres bateaux nous rejoignent, pas seulement des croisières qui arrivent de Lombok comme nous mais aussi des liveaboard de plongeurs partis de Labuan Bajo, à Flores, venus explorer les fonds marins du parc national de Komodo. Le bateau voisin se transforme soudain en party boat, brisant le silence apaisant à coup de cris gutturaux, de plongeons alcoolisés et de boum boum assourdissants. Pendant qu’ils décuvent au petit matin, nous mettons les voiles vers Komodo Island, où vivent les varans que nous sommes venus tenter de voir.
A la rencontre du fameux dragon de Komodo… ou pas ?
Les frais d’entrée au parc national sont exorbitants. Nous payons 35$ chacun, ce qui représente grossièrement l’équivalent de 3 nuits avec les repas de la journée en Indonésie. D’ordinaire, on ne rechigne pas à payer pour ce genre de participation qui sert à la maintenance des sentiers, à l’entretien des installations, à l’embauche de personnel et à la préservation des espèces et de leur habitat… mais ici, on a comme l’impression de se faire arnaquer.
Le guide qui nous est attribué trace à toute vitesse dans la forêt sans s’arrêter une seconde pour observer les sous bois. Il nous emmène jusqu’à une ancienne plateforme où les dragons étaient autrefois nourris par l’homme. Puis il reprend son chemin sans perdre une minute en veillant juste à ce que son petit groupe suive bien. Tout ça pour nous dire à la fin de la boucle : «I’m sorry, wild animal». Oui, on s’en doute qu’ils sont sauvages et que ce n’est pas de sa faute si on n’a pas aperçu l’ombre d’un lézard. Mais pour observer la vie sauvage, il faut être patient et éventuellement ne pas tracer comme un furieux avec un troupeau de touristes bruyants. L’excuse toute préparée nous laisse un goût amer. Les lieux sont victimes de leur célébrité et le guide qui doit enchaîner les visites n’est pas épargné.
Pour couronner le tout, les eaux sont parsemées de déchets recouvrant parfois les plages désertes… Ces îles, qui semblent si loin de la civilisation, sont souillées. Les ressources financières générées par les visiteurs ne pourraient-elles pas contribuer à un clean up régulier ? On dirait plutôt qu’elles servent à construire la jetée en béton gigantesque à l’entrée de l’île capable d’accueillir un paquebot !
The remote and lonely beach where I first saw a Komodo dragon, ten feet long, stalking imperiously across the sand, now receives several boatloads of visitors every day. – David Attenborough
En tête à tête avec les varans sur Rinca Island
Heureusement, nous avons la possibilité d’aller nous promener sur Rinca Island, la deuxième plus grande île du parc national où vivent aussi les dragons de Komodo. Au loin, des dauphins nous accompagnent jusqu’à la mangrove de Rinca. Séparés en deux groupes, nous suivons à nouveau un guide. Tout comme le précédent, il porte avec lui un long bâton à l’extrémité en forme de Y au cas où il faudrait repousser un dragon. On apprend que leurs morsures sont mortelles et qu’après une attaque, les dragons attendent tranquillement que leur victimes (buffles, cerfs, cochons sauvages…) meurent des blessures infectées.
En chemin pour la Medium Walk, nous passons près des cuisines du camp des guides. Sous les pilotis, 5 énormes dragons somnolent à l’ombre. Cela ne semble pas très naturel, je ne serais pas surprise de voir un ranger leur donner à manger, mais ça nous laisse tout de même une chance de les observer. Sensiblement repus et en aucun cas perturbés, les varans nous observent en retour. Leur corps cuirassé est vraiment très impressionnant. Aucun doute sur l’existence des dinosaures, nous en avons en face de nous !
Notre guide nous emmène cette fois dans la forêt à pas de loup et repère de suite un jeune dragon agrippé à un arbre. Aussi gros qu’un goanna en Australie, il a une tête de vélociraptor ! En restant en hauteur, il se protège ainsi des adultes qui n’hésiteraient pas à le dévorer. Même les mères sont capables de manger leurs propres œufs. On observe quelques nids, creusés dans des larges buttes de terre. Des buffles sauvages se rafraîchissent dans les rares points d’eau de la forêt. Sur les hauteurs, nous débarquons dans Jurassic World avec hautes herbes et palmiers à perte de vue. On reste prudents, on ne sait jamais si un dragon déboule de nulle part… Mais ils sont apparemment tous aux cuisines ;) Malgré ce point noir, ils sont en liberté et pas parqués dans un enclos.
Arrivée à Flores : retour à la civilisation
Au soir du quatrième jour de cette épopée, après un dernier plouf dans les eaux transparentes du parc national de Komodo, nous débarquons à Labuan Bajo sur l’île de Flores. Un gigantesque ferry est en partance pour Sulawesi. Les quais sont noirs de monde. Notre bateau ne repartira pas avant demain et Dan nous propose de rester pour la nuit. Une partie de nos acolytes disparaît dans la foule à tout jamais. Notre rencontre coup de cœur de ce voyage, Eki, retourne chez lui sur l’île de Java, nous espérons le revoir un jour. Thomas, le polonais, nous aura fait rêver avec le récit de ses voyages en Norvège mais surtout à Bornéo et c’est grâce à lui que nous avons pris la décision d’y aller ! Nous passons la soirée avec Greta et Daniel, les allemands, et Kit et Kasper, les danois, au Warung Mama, bon et pas cher. Nous sommes tous déjà nostalgiques de ces 4 jours passés sur l’eau. Eux, vont bientôt s’envoler pour Bali. Pour nous, l’occasion est bien trop belle, nous restons explorer Flores pendant deux semaines.
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